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Faire son pain et comprendre comment ça marche

Cet article est le premier que j’ai écrit, quand j’avais commencé à comprendre des choses sur la pratique du pain. Évidemment, si vous lisez ça dans un futur plus ou moins lointain, j’aurai certainement fait évoluer ma pratique, et appris plus de choses. En vous promenant sur ce site, vous trouverez certainement d’autres éléments pour alimenter vos pratiques.

Il y a plus de 13 ans, quand je tenais un blog sur la cuisine végétarienne, j’avais fait mon premier pain, à la levure de boulanger. Pendant le confinement, j’avais bien sûr tenté de démarrer mon levain, pour participer comme tout le monde au grand jeu du pain au levain. Mais j’ai complètement échoué.

À la sortie du confinement, j’ai passé du temps avec une amie apprentie boulangère, qui m’a appris plein de choses. On a demandé à une boulangerie du coin un peu de son levain, qu’ils nous ont donné avec gentillesse, et j’ai ainsi pu commencer à pratiquer. J’avais aussi énormément envie de lire sur la question. Cet article de blog est donc une prise de notes pour que je me souvienne comment je fais, mais aussi pour donner quelques liens sur des documents qui expliquent super bien la chimie du pain. Si le sujet vous intéresse, je vous invite d’ailleurs à lire le traité de boulangerie au levain, de Thomas Teffri-Chambelland, que j’ai eu la chance de parcourir, et que je trouve très très intéressant. Il est certainement un peu trop technique pour commencer, mais peut être une bonne référence à consulter quand on a envie de tout comprendre, jusqu’au moindre détail.

Vous trouverez à la fin de cet article quelques références de documents disponibles en libre accès sur internet, et qui permettent de comprendre un max de choses.

Dans la suite de cet article, je raconte comment je fais. On m’a appris comme ça, et comme il y a autant de manières de faire que de personnes, vous ne faites sans doute pas pareil. N’hésitez pas à indiquer en commentaire de cet article là où votre pratique diffère de celle que j’ai apprise.

Le levain

Pendant le confinement, j’ai tenté de démarrer mon propre levain, mais j’ai échoué. La première fois parce que j’avais pris de la farine trop blanche — car les résidus de son présents dans les farines complètes aident au démarrage d’un levain — puis certainement par manque d’attention.

Grâce à ma boulangère préférée, j’ai découvert qu’on pouvait aller demander du levain dans une boulangerie, à condition de repérer celles qui en utilisent, et qui sont d’accord pour partager. C’est comme ça que j’ai accueilli un levain dans mon frigo.

Un levain de blé, récemment sorti du frigo et nourri à l’eau et à la farine de blé.

Comme vous le verrez en parcourant les documents pointés dans la dernière section de cet article, il existe plein de levains différents, et plein de manière de l’entretenir. Il y a les règles de l’art, et puis les facilités que l’on s’accorde, quand on maîtrise la chose, ou par ignorance.

Pour ma part, j’entretiens mon levain comme on me l’a appris : conservation au frigo pour une pousse lente, je lui donne une fois tous les 2 ou 3 jours à manger de la farine, et j’équilibre la texture avec de l’eau. La texture va déterminer en partie le goût du pain : une levure liquide favorise la production d’acide lactique, qui donne un pain au un goût moins acide que ce qu’on obtient avec un levain ferme, qui favorise l’acide acétique.

Parfois, le levain consomme très vite sa farine, et vire un peu à une odeur vinaigrée. Alors je me dépêche de faire du pain, et je n’en garde qu’un peu, à qui je donne un max de farine et eau.

Car oui, quand on fait du pain, il faut penser à ne prendre qu’une partie du levain, pour continuer à le garder. Généralement, j’en prends la moitié (soit 100 à 200 grammes), et je nourris la moitié restante puis la remet au frigo. Parfois j’en jette un peu, si la quantité est trop grande pour ma production de pain.

Le pétrissage

On commence donc par préparer ses ingrédients. J’utilise du gros sel, que je dissous dans de l’eau claire, en mélangeant pendant une à deux minutes. Au début, je chauffais un peu l’eau pour faciliter la dilution, et la gardait tiède dans la suite. Mais au final, ça accélère artificiellement la fermentation, et ça ne sert pas à grand chose pour la fonte du sel.

Je choisis ensuite mes farines, avec de la farine de blé de T65 à T150Tiens d’ailleurs, j’ai découvert qu’en France, on utilisait une technique assez scientifique pour évaluer le type des farines, en la brûlant, et en mesurant la quantité de matière minérale restante. Chaque pays pratique une échelle différente, et on trouve des tableaux d’équivalence pratiques quand on passe une frontière., et de la farine de seigle, pour donner un peu de caractère au pain.

Il s’agit ensuite de mélanger les ingrédients, puis de pétrir soigneusement pour obtenir une pâte homogène, avec de bonnes propriétés élastiques, et une bonne tenue.

Placer dans un saladier un peu du levain.

La quantité d’eau en proportion de la farine est une question importante. On m’a dit qu’en boulangerie bio, on hydratait à hauteur de 70% à 100%, c’est-à-dire que pour 100 grammes de farine, on mettait entre 70 et 100 grammes d’eau. En dessous, le levain manque d’eau pour son processus de fermentation, et la levée n’est pas satisfaisante.

Plus la pâte est hydratée, plus le façonnage sera délicat. Quand cette quantité est vraiment élevée, on peut utiliser un moule, par exemple un moule à cake. Cependant, plus le pain est hydraté, plus le volume des pains augmente, car on favorise l’activité microbienne. Le pain sera donc beaucoup plus alvéolé.

La levée

On laisse ensuite la pâte lever. Suivant la température et l’humidité ambiante, la température et quantité d’eau utilisée, cette levée prend de 3 heures à 5 heures. Il faut à la fois laisser le temps au levain de faire son travail, mais ne pas attendre trop, sinon tout retombe. Il existe des techniques avec sondes thermomètre pour évaluer le bon moment où arrêter la levée. On peut aussi faire comme moi, à l’intuition, autour de 4 heures de levée.

Le façonnage et le lamage

Dans les pratiques documentées, on voit que les gens pratiques une double levée, en réalisant un boulage après quelques heures de levée, puis de nouveau une levée d’une heure. Le boulage consiste à séparer la pâte en petites boules, qui serviront ensuite à fabriquer le pain. Dans cette pratique, on laisse le temps au levain de poursuivre son travail, pour que le réseau d’amidon se reconstitue après cette manipulation.

Car il faut le dire, la structure du pain, alvéolée, uniforme, à la fois souple et structurée, on la doit précisément au réseau. Et plus on manipule la pâte, plus on déchire la structure du réseau, et moins la tenue sera bonne.

On m’a appris une technique où il n’y a pas de seconde levée. Il s’agit de manipuler le plus rapidement possible la pâte, en commençant par la couper le plus délicatement possible, avec une lame fine, et en essayant de ne pas déchirer la pâte.

On manipule ensuite chaque boule délicatement, en réalisant le moins de gestes possibles. Pour que la pâte ne colle pas, on peut soit utiliser de l’eau sur nos mains, soit de la farine. J’utilise généralement de l’eau pour décoller la pâte du saladier, puis de la farine pour façonnerC’est d’ailleurs cette farine que l’on retrouvera sur le pain après la cuisson. Car oui, la farine ne grille pas quand le pain cuit, elle reste blanche. C’est une manière d’avoir un pain à l’apparence contrastée, puisque normalement la partie lamée n’a pas eu de farine, et est donc plus foncée que la partie plat..

Le principe consiste à donner de la force à la pâte. On commence par l’aplatir grossièrement avec le plat de la main sur la table, puis on replie une ou plusieurs fois la pâte, en l’allongeant un peu au fur et à mesure. La dernière soudure, appelée la clé, se place sous la boule. On utilise ensuite l’adhérence à la table — que l’on dose éventuellement à l’aide d’un peu de farine — pour fermer la clé en quelques mouvements de glissement sur la table, les mains soutenant la boule pour conserver la tenue générale.

On place alors le pain sur la plaque de cuisson, au préalable farinée. Les dernières fois, j’avais oublié cette étape, et le pain colle alors à la planche, c’est une vraie galère. Sur la photo qui suit, j’y suis allé un peu fort en farine, comme pour compenser les cuissons précédentes. On y va mollo quand même ! J’ai remarqué que si on ne met pas de farine, la forme de la boule est plus écrasée à la base, sans trop d’arrondi, plus sous la forme d’une demie lentille.

Au dernier moment, quand le four est chaud — voir la section suivante pour le détail de la cuisson — on lame le pain. L’idée est de donner quelques incisions sous forme de lignes bien profondes, avec une lame très coupante. J’ai pour ma part utilisé de bons couteaux, ou un rasoir, mais je ne maîtrise pas encore bien ce geste, et sur la photo vous verrez que les entailles ne sont pas assez profondes : elles commencent même à se refermer.

L’objectif du lamage est d’ouvrir des cheminées, par lesquelles les gaz produits par la fermentation pendant la cuisson pourront sortir. Sans cela, le pain risque d’exploser, en se déchirant à des endroits non maîtrisés du pain. C’est moche, je le sais parce que j’ai déjà essayé. Et ça change un peu l’apparence de la croûte et de la mie, de ce que j’ai expérimenté.

L’enfournage et la cuisson

On règle le four assez chaud, de mon expérience entre 240 et 250 degrés, dans un mode qui évite aux aliments de sécher — par exemple chaleur tournante — mais qui soit en même temps irradiant en dessous, et possiblement au dessus aussi — par exemple avec le grill activé. L’idéal étant d’activer les deux, voire d’utiliser la fonction pain du four, si elle existe.

en mode cuisson à 240 degrés.

Le four a atteint la température souhaitée, et notre pain est lamé. On peut maintenant enfourner. L’idée est d’ouvrir le moins longtemps possible la porte du four. On ouvre, on place la plaque, et on ferme.

Pour garder l’humidité dans le four, et former une bonne croûte dorée, on peut rouvrir le four juste après, en jetant dans le fond du four un demi verre d’eau. Ça produit immédiatement de la vapeur, et si on est assez rapides, on a fermé la porte, et la vapeur reste un moment dans le four.

On peut aussi laisser au fond du four un récipient rempli d’eau, pour assurer un bon niveau d’humidité ambiant.

Les pains cuisent, ils montent et prennent une belle teinte.

La durée de la cuisson dépend d’énormément de paramètres. Sans outil ni expérience, on se fie à la couleur de la croûte, qui doit commencer à dorer. De mon expérience, les petits bâtards mettent de 15 à 18 minutes à cuire, quand une boule mettra plutôt de 16 à 20 minutes.

Afin de garder une bonne humidité et une bonne température, on n’ouvre le four sous aucun prétexte, encore moins pendant les 10 premières minutes.

Et quand le pain est cuit, on le sort. Une étape que j’avais oubliée au début, qui s’appelle le ressuage, consiste à aérer le dessous du pain pour qu’il perde son humidité en refroidissant. On peut mettre les pains à l’envers, ou les placer sur une grille. Et surtout, on retient sa gourmandise, et on ne coupe le pain que quand il a refroidi, sous peine de lui faire perdre une bonne partie de son humidité.

Deux pains qui manquent un peu de cuisson, et dont le lamage est vraiment améliorable, on voit que le réseau avait commencé à se reconstruire, refermant l’ouverture.

Apprécier le pain

Que cherche-t-on dans un bon pain ? Pour l’aspect santé et nutrition, on privilégiera des farines complètes, et des céréales bio, pourquoi pas autre que du blé.

Pour le goût, on travaille sur le type de fermentation, pour garder un peu d’acidité mais pas trop, on choisira des farines avec un caractère, comme le seigle ou le petit épeautre par exemple. Quand on ne sale pas l’eau au moment du pétrissage, ça se sent pas mal, il faut y penser. On pourra aussi utiliser un peu d’huile d’olive, des herbes, des graines ou des fruits pour parfumer le pain. Ils sont introduits dans la pâte au moment du pétrissage, mais peuvent changer la chimie de la levée, pas tout le temps simple à gérer.

Une mie un peu aérée, une croûte fine. Le pain manque un peu de cuisson, son goût manque de caractère. Le pain est très souple, un peu élastique, et il a commencé à sécher au bout de 3 jours.

La texture de la mie et de la croûte est aussi un aspect que l’on cherche à maîtriser. On cherche une mie alvéolée, plus ou moins dense suivant les goûts, souple, plus ou moins élastique. On préfère la croûte fine, ou épaisse, molle, craquante ou croustillante. Tout cela se règle à chacune des étapes de la préparation du pain.

Par exemple, plus le four sera chaud pendant la cuisson, plus la croûte sera fine. Le côté croustillant ou craquant de la croûte dépend de la température du four, de l’humidité, mais aussi de la qualité de la fermentation et de la construction du réseau. C’est quelque chose que je trouve encore dur à comprendre. Je suis loin d’en maîtriser les aspects les plus simples.

La conservation du pain est aussi une problématique difficile à maîtriser. Les farines complètes et la mie dense semble sécher moins vite, mais c’est une impression, que je n’arrive pas à ajuster.

Et quand il devient sec ?

Et quand le pain devient trop sec, qu’en fait-on ? Il y a le traditionnel grille-pain par exemple. Mais pourquoi pratique-t-on ce mode de préparation ? On aime y retrouver le croustillant à l’extérieur, et le moelleux à l’intérieur.

Retrouver un pain moelleux est en effet possible, et simple à réaliser, quand on a compris une partie de la chimie du pain. En effet, une partie du durcissement du pain réside dans l’apparition de ponts hydrogène, qui figent la structure du pain. Une chauffe pendant quelques minutes à moins de 40 degrés permet de casser ces ponts sans griller le pain. Les pratiques suggèrent souvent de mouiller le pain avant de l’enfourner pour lui redonner sa souplesse. Si les détails vous intéressent, je vous invite à poursuivre la lecture de cet article en consultant le lien donné ci-dessous, qui pointe vers le site je pense donc je cuis.

Bonne dégustation !

Améliorations…

Depuis ce billet, j’ai de nouveau échangé avec mon amie apprentie boulangère, et j’ai ajusté mon processus. J’ai augmenté la durée de levée à 5 heures — j’arrêtais trop tôt la pousse — ce qui a grandement faciliter le façonnage et le lamage. J’ai fariné mes pains avant de lamer en forme de croix pour améliorer l’esthétique, et j’ai cuit à 270°C. Le résultat est vraiment meilleur, notamment au niveau du croustillant de la croûte, et de la structure du réseau.

Une nouvelle fournée, mieux réussie grâce à des ajustements dans la préparation.

J’espère continuer encore et encore à affiner ma pratique, à la fois en expérimentant, et en lisant sur le pain…

Comprendre le pain

Parmi les sites internet très fournis sur la question du pain, de la pratique à la théorie, on trouve le site Pâtisserie 21 — pour une pâtisserie et boulangerie artisanale au XXIème siècle — avec une page dédiée à la technologie boulangère, très bien documentée.

Le site je pense donc je cuis consacre un article à la question du pain qui durcit et un autre à l’amidon, avec des explications simples et compréhensibles des mécanismes chimiques à l’œuvre dans la fabrication du pain et des pâtes en général.

Sur la question du levain, on trouve un document pdf de 10 pages édité par la Fédération régional des agriculteurs biologiques Midi-Pyrénées intitulé quelques techniques pour bien réussir son levain, qui est à la fois pointu et fonctionnel. Pour ma part, je reproduis ce qu’on m’a appris, et si ça marche mal (le levain devient trop acide par exemple), je parcours ce document pour comprendre le pourquoi du comment, et pour réparer mes erreurs.

Sur la fabrication du pain en général, on trouve plusieurs documents très complets au format pdfLe pdf est le format que je trouve le plus facile à archiver et à réutiliser, j’ai donc majoritairement collecté ce type de ressources. Ils sont souvent écrits par des passionnés, parfois édités dans des revues spécialisées, parfois conçus pour être mis à disposition sur internet. Je pense notamment à l’article levains et panification du supplément technique des Nouvelles de la Boulangerie Pâtisserie de mars 1996, qui traite notamment de l’histoire du levain, puis de son élaboration avec plusieurs techniques, tableaux chiffrés à l’appui, puis qui détaille beaucoup de techniques de préparation et cuisson du pain, le tout à destination de professionnels. Je pense aussi au document de téléformation bon pain bon levain, un reportage complet (photo à l’appui) sur la création d’un levain, puis de sa panification et de sa cuisson. Il est proposé par l’asbl Pense à 2 Mains, une plate-forme d’éducation permanente. Je pense aussi aux publications du site faire soi-même son pain, animé par un passionné, qui contient plein de liens et de références vers d’autres documents, avec notamment un document de 32 pages très complet et bien documenté, intitulé la fabrication du pain.

Quand on commence à pratiquer, on a envie de varier les farines, les cuissons, les temps de levage, etc. On peut alors regarder du côté du livret de recettes de pains au levain proposé par les Ambassadeurs du pain qui donne quelques outils indispensables à la compréhension du levain, puis qui donne nombre de recettes, avec ingrédients, type de pousse, de levain, et au procédé de fabrication efficacement décrit pour qui maîtrise la panification.

Cet article a pour la première fois été publié sur mon blog principal.

1 commentaire

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